Que ce soit dans le vélo ou dans le sport de façon plus générale, les femmes ne représentent qu’une partie infime des pelotons. Quels sont les freins ?
Comment expliquer que les femmes effectuent en moyenne 25 % de temps d’activité physique de moins que les hommes en France. Ce chiffre est même encore plus bas dans le cyclotourisme, puisque les licenciées ne représentent que 18 % de nos membres.
Pour essayer de comprendre ce phénomène, nous devons nous tourner vers notre éducation. Les femmes sont souvent élevées dans des environnements où les rôles traditionnels de genre sont valorisés. Elles peuvent ainsi être encouragées à se concentrer sur des activités domestiques et d’éducation plutôt que sur des activités physiques. D’autant plus que le vélo est très chronophage avec des sorties entre deux et quatre heures.
Un manque de représentativité ?
Les femmes sont moins exposées à des modèles féminins, ce qui peut affecter leur propre motivation. Le cyclisme, par exemple, est souvent considéré comme un sport masculin à travers le Tour de France, ce qui peut décourager les femmes de participer. Mais dans ce domaine, heureusement les choses changent avec le retour du Tour féminin.
Il existe aussi une crainte face à l’insécurité car les femmes peuvent éprouver de la peur lorsqu’elles participent à des activités physiques en plein air seules, en particulier dans des endroits isolés ou peu fréquentés.
Tous ces facteurs peuvent agir de manière isolée ou combinée pour expliquer pourquoi les femmes effectuent moins d’activité physique que les hommes. C’est pour cela qu’à la Fédération française de cyclotourisme nous travaillons ardemment à la promotion de l’égalité des sexes car le chantier est immense et nécessaire.
Le mot de Martine Cano, présidente de la Fédération
Pour Martine Cano, présidente de la Fédération française de cyclotourisme, nous ne sommes qu’au début d’une belle histoire entre le sport et les femmes. Elle aime à se remémorer le passé pour que nous comprenions mieux tout le chemin parcouru, finalement en seulement cinquante ans.
« Si nous parlons aujourd’hui davantage de vélo et des femmes, il faut avoir présent à l’esprit que nous ne venons qu’à la suite d’une longue liste de pionnières. L’une des plus anciennes est sans conteste Annie Londonderry qui, en 1895, avant le voyage d’Alexandra David-Neel au Tibet, a entrepris un tour du monde à vélo, une aventure de quinze mois, qu’elle relata ensuite en signant du pseudonyme « the new woman ». Pas besoin de se cacher aujourd’hui, mais pas de raison non plus d’avoir peur. Le vélo est toujours dans certains pays un véritable moyen d’émancipation et partout un vecteur de liberté. Sachons en profiter.
Aujourd’hui les possibilités sont grandes : du voyage au long cours aux défis, qu’ils soient quotidiens ou plus ambitieux. Réussir à se libérer du temps quand on a de jeunes enfants, un travail et aller rouler en toute tranquillité peut être un défi tout comme se lancer dans un raid avec route de nuit ou la traversée de tout un pays, voire un continent.
Statistiquement, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Peu à peu, elles prennent des responsabilités, dans les entreprises, les associations. Dans la pratique sportive elles sont encore loin d’être majoritaires, elles ont pourtant toute leur place.
Notre société fonctionne trop souvent en oppositions binaires : jeunes/vieux, actifs/non actifs, automobilistes/cyclistes, hommes/femmes, etc. Plutôt que de rester sur ce schéma d’opposition, apprenons à tous les niveaux la coopération, le partage, la mise en commun pour construire ensemble notre avenir. »
Les chiffres clés du sport au féminin
- Les femmes effectuent 25 % de temps d’activité physique de moins que les hommes en France (15 % de moins dans le monde). Cela représente en moyenne 38 minutes de moins par semaine que les hommes.
- Cet écart tend à s’agrandir le week-end en France, où les femmes effectuent 27 % de temps d’activité physique de moins que les hommes.
- De plus, en France, la part des femmes qui réalisent des activités sportives la nuit est inférieure à celle des hommes : 45 % inférieure aux hommes avant le lever du soleil, et 16 % inférieure après le coucher du soleil.
Ces chiffres sont issus d’une étude de Strava, la plateforme du sport connecté forte de 100 millions de membres. Ces données mettent en évidence le manque de parité hommes-femmes dans le sport. En effet, les femmes sont confrontées à de nombreux obstacles lorsqu’elles souhaitent consacrer plus de temps à l’activité physique.
Pour Lucile Woodward, coach sportif et mère de famille. « Si le temps est le frein principal, vient ensuite la crainte de se sentir nulle ou pas capable. Les femmes pensent souvent qu’on les juge physiquement, que ce soit sur leur apparence ou leur « crédibilité » sportive. Elles ont peur d’être ridicules, peur d’être sifflées ou interpellées. »
L’évolution des femmes sur Paris-Brest-Paris
Si nous voulons comprendre l’évolution des femmes dans le cyclotourisme, il faut se tourner vers le « graal » Paris-Brest-Paris qui représente une randonnée extrême de 1 200 kilomètres. Même si aujourd’hui il faut toujours une sacrée dose de motivation pour participer et terminer cette aventure, pour l’époque c’était carrément un exploit.
Comme nous le découvrons dans les chiffres ci-dessous, les femmes ne sont que deux au départ de la première édition du Paris-Brest-Paris en 1931. À l’époque, ces femmes sont perçues comme des pionnières, voir des aventurières.
Sur la première édition en 1931
- Femmes au départ : 2
- Femme à l’arrivée : 1
- Femmes ayant abandonné : 1
- Tandems mixtes : 4
- Pourcentage de femmes au départ : 3,3 %
Étape intermédiaire avec l’année 1983
- Femmes au départ : 84
- Femme à l’arrivée : 70
- Femmes ayant abandonné : 14 (16,7 %)
- Tandems mixtes : 12
- Pourcentage de femmes au départ : 4 %
Sur l’édition 2019 la dernière en date
- Femmes au départ : 482
- Femme à l’arrivée : 265
- Femmes ayant abandonné : 217 (45 %)
- Tandems mixtes : 21
- Pourcentage de femmes au départ : 7,5 %
Alors en cette journée de la femme, nous profitons de cet article pour leurs rendre hommage mais surtout leurs affirmer qu’une journée ne suffit pas et que nous devons ouvrir nos esprits et nos habitudes pour que nous arrivions comme sur les Semaines fédérales à une quasi-équité.
Votre avis nous intéresse, quels sont, selon vous, les freins et les explications de cette disparité ?